dimanche 26 avril 2015

J + 10 mois : Alors, c'est comment la bi-implantation ?

Bonjour tous le monde,

Cela faisait un petit moment que je n'étais pas venu sur ce blog. Ça devient effectivement de plus en plus compliqué de vous raconter des choses nouvelles sans avoir à me répéter ou à reprendre des thèmes déjà abordés sur ce blog.

Néanmoins, à l'occasion du 10ème mois de ma deuxième implantation, j'ai l'occasion ici de faire un gros bilan global.

Ce 13 Mai 2014, on m'a donc posé le deuxième implant. Il faut dire que j'étais au bord de l'épuisement mental. L'autre oreille me permettait de faire beaucoup de choses, c'était bien mais fatiguant à souhait.

Pour la deuxième opération, la convalescence s'était très bien passée (aucune douleur, ni vertige ni acouphènes), tandis que la rééducation était à l'image de la première trois ans auparavant, c'est-à-dire très rapide. J'ai été branché le 11 Juin 2014. En Juillet je pouvais déjà donner mes premiers coups de téléphone. J'étais donc bien parti pour vivre pleinement avec deux oreilles. Fin août, il a néanmoins fallu que je déménage en Guyane pour plusieurs mois.

Nouveau continent, nouvelle culture, mais surtout nouveau climat : un climat très chaud, très humide et très pluvieux par moments. Je suis rentré en France en Janvier 2015, et je peux affirmer, avec le recul, que l'humidité permanente qui règne dans le coin (90 à 100% quotidiennement), est malheureusement très gênante pour les processeurs d'implant.

Plusieurs raisons à cela :
- la sueur coule à flot, et son infiltration dans les micros est inévitable. J'ai eu beau mettre les processeurs dans la boîte de séchage chaque nuit, ce qui devait arriver arriva : le grésillement tant redouté. C'est survenu deux mois après mon arrivée sur le sol guyanais, ce qui m'a obligé à procéder à un échange avec le SAV du fabricant avec envoi par avion.
- l'air est gorgé d'eau, le son a à priori plus de mal à "se frayer un chemin" de la source vers le micro du processeur. Résultat : j'ai eu beaucoup de mal à comprendre, alors que j'avais pourtant deux implants ! Impossible de comprendre les films américains et leur doublage VF ou de discuter simplement avec un groupe de 4-5 personnes. Devant tant d'impuissance et de frustration, je me voyais refaire un bond de trois ans en arrière et perdre tout ce que j'avais accumulé et construit au fil du temps : l'acceptation de la surdité, l'acceptation de mal comprendre, la facilité de faire répéter, toute cette confiance accumulée. J'ai vraiment cru perdre tous ces acquis et qu'il faille tout recommencer.

Pour résumer, en Janvier 2015, j'ai porté le deuxième implant trois mois en France et trois mois en Guyane. Le résultat était mi-figue mi-raisin. L'équilibre sonore était bien présent (et avec soulagement), mais la compréhension stagnait méchamment.

Alors, vers une déception de la bi-implantation ?

C'est du moins le ressenti que j'ai failli avoir. De retour en métropôle, tout est "magiquement" rentré dans l'ordre. Si bien qu'aujourd'hui, en Avril 2015, j'ai l'impression que mes deux implants sont en train de prendre leur envol. C'est comme posséder un interrupteur "sourd / entendant" au beau milieu du front. Avec ma maîtrise de la Langue des Signes, je peux passer de "l'état sourd" à "l'état entendant" et vice-versa sans problème. J'ai l'impression de ne plus avoir de limite sur tous les plans : communicatif, compréhensif et psychologique :
  • Plan communicatif : je suis enfin devenu quelqu'un qui n'a plus peur d'aborder les gens, qui n'a plus d’appréhension pour faire répéter trois fois la même chose, qui n'a plus de crainte de dire aux personnes se tenant en face de moi que malgré tous les efforts, je puisse ne comprendre rien de rien (à cause du bruit, de la fatigue, etc.)
  • Plan compréhensif : je peux pratiquement tout comprendre : télévision, cinéma, discussion dans les bars, conversation avec 3-4 personnes. Un exemple est ma semaine de bénévolat aux championnats de France de natation à Limoges fin mars. Un événement idéal pour tester mes capacités bioniques. J'en ressors avec beaucoup de satisfaction et de confiance : le brouhaha et la foule permanente ne m'ont pas empêché de discuter avec les autres bénévoles ou d'aider les gens à trouver un siège.
  • Plan psychologique : la surdité vue comme un handicap, c'est globalement du passé pour moi. Plutôt que d'y voir une contrainte de tous les jours, j'ai enfin fini par l'accepter. Ce fameux interrupteur "sourd / entendant" dont je vous ai parlé ci-dessus me permet de basculer d'un "état" à l'autre et c'est finalement le meilleur compromis que je puisse avoir. Car oui, j'ai envie de rester sourd la nuit quand des fêtards ivres rentrent chez eux en faisant bien clinquer les clés et la poignée, ou au petit matin quand le voisin du dessus pisse bruyamment (cas vécu ;)) !
Mais comme toute chose, tout n'est évidemment pas parfait non plus. Quand il y a trop de bruit, quand il n'y a pas de sous-titrage, quand il n'y a plus de piles, quand il y a trop de personnes, quand je sors d'une longue journée fatiguante... Aujourd'hui ça reste du détail. Ce n'est rien comparé aux innombrables bénéfices que peut apporter la bi-implantation.

Par rapport à la mono-implantation il y a bien sûr la fatigue auditive qui a complètement disparue, l'équilibre sonore, plus conséquente, et la localisation spatiale, plus grisante. Pour la compréhension verbale, l'évolution est subtile mais réelle. Ne vous attendez pas à un bond identique au passage d'un appareil auditif à un implant cochléaire seul. Les résultats sont, à mon sens, visibles au bout de plusieurs mois (8 pour moi) pour peu qu'on y mette du sien et qu'on soit motivé(e). Le principal objectif de la bi-implantation doit, pour moi, permettre l'acceptation de la surdité. Une fois le cap franchi, que vous entendiez bien ou mal, ça n'a plus trop d'importance. J'exagère un peu, mais c'est globalement la philosophie que j'ai aujourd'hui. Si demain, j'ai une panne d'implant qui nécessitera un mois de convalescence avec une seule oreille, je serais certes dépité mais cela ne va pas changer ma nouvelle façon de vivre : faire répéter les gens, leur dire simplement que je suis un peu dur d'oreille, user d'un peu de langue des signes et de mimes, et roulez jeunesse.

vendredi 1 août 2014

J+2 mois : Comment je fais la rééducation ?

Bonjour à tous, cela va faire un mois et demi que je porte le deuxième implant cochléaire. Alors, qu'est-ce que ça donne, la bi-implantation ?

Dans l'ensemble, je suis globalement très satisfait mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir une once de déception quant à l'amélioration de la compréhension. Comme expliqué dans mon précédent billet, la barre était déjà tellement placée haute avec le premier implant, que c'est difficile d'aller encore plus haut avec le deuxième. J'essaye de relativiser et de me dire que sur d'autres points, les changements sont tout de même très visibles. Je vais reprendre un peu ce que j'ai raconté auparavant au bout de deux semaines après l'activation et confirmer (ou infirmer) les améliorations que j'avais notées.

- Je cite en premier lieu la fatigue liée aux conversations : elle a quasiment disparue. C'est vraiment flagrant lorsque je fais des longues soirées barbecue où la famille / les amis viennent.

- La psychologie a également fait un grand bond, un bond de géant même. La double-implantation m'a permis, paradoxalement, de mieux accepter ma surdité et de faire répéter plus facilement les gens. Je semble gagner en aisance quand il s'agit de parler devant plusieurs personnes, puisque je n'ai plus cette peur de ne pas comprendre la question et les répétitions éventuelles de cette question. Pendant ce premier mois, les personnes qui me côtoient m'ont trouvé plus ouvert, plus à l'écoute des gens. Bref, du tout bénef'.

- Le gain de compréhension n'est pas si flagrant que ça, je pense que c'est très subtile et que, peut-être inconsciemment, je me débrouille un tout petit mieux dans les milieux bruyants. C'est un point sur lequel je reviendrai lorsque j'aurai un recul d'une année ou deux.

L'autre sujet sur lequel je voudrais revenir concerne la rééducation. Comment se fait-elle quand on a deux implants, dont un déjà bien musclé ? C'est pas si évident que ça en fait...

Il y a d'abord la facilité de tout vouloir entendre avec les deux côtés. Normal me direz-vous. Mais c'est prendre le risque de voir l'oreille déjà rééduquée (la gauche) prendre le dessus sur l'oreille nouvelle (la droite). C'est précisément ce qui m'est en train de se passer. La droite rencontre encore des difficultés lorsqu’elle est toute seul (comme téléphoner ou écouter une voix à quelques mètres). Elle se repose un peu trop sur la gauche pour faire toutes les tâches qui lui incombent.

La rééducation est donc assez particulière : il faut donc que j'enlève, au moins quelques heures par jour, l'implant gauche pour ne faire travailler que la droite. C'est relativement difficile (toutes proportions gardées) puisque :
- le son est plus que jamais coupé en deux. Je me retrouve en mono-implantation et je dois parfois orienter ma tête correctement vers la source sonore pour la comprendre.
- le son, s'il n'est plus métallique ou inintelligible, n'est pas encore tout à fait en "couleur". Ça n'a certes rien de gênant.

Comment je fais cette rééducation ?
- J'utilise un casque (quand je suis derrière l'ordi au boulot) pour avoir un son précis et confortable.
- J'écoute de façon directe et sans accessoire la source sonore (YouTube, la TV, la radio) pour s'entraîner à l'écoute à distance et sans avoir un son injecté directement dans l'oreille.

Avec quoi je fais la rééducation ?
- Avec la radio. C'est un excellent moyen de s'exercer à la reconnaissance et la compréhension de paroles. BFM Business est à mon sens, très bien, car leurs speakers parlent de façon relativement claire. France Bleu, RTL et France Inter sont pas mals non plus pour faire varier les différentes intonations et rythmes de la parole. Si vous avez Windows 8, vous pouvez télécharger l'application Radios Françaises.
- Avec de la musique. YouTube et Deezer sont les sites par excellence. L'orthophoniste m'a conseillé d'écouter de la musique classique, sans doute pour essayer de distinguer les graves des aigus.
- Avec des livres audio. Cela permet d'essayer de comprendre sans s'aider de la suppléance mentale. Si on écoute de l'actualité (via radio) mais qu'on a déjà été mis au courant, on devinera plus facilement ce qui se dira. Pas avec les livres audio. Littérature Audio est incontournable, avec des dizaines de livres sur Balzac, Hugo...

Je vais bientôt (re)mettre en ligne des vidéos sur le ressenti sonore de l'implant. Je les avais déjà mises sur ce blog, mais étant finalement moyennement satisfait du résultat, je les avais enlevées.

lundi 7 juillet 2014

J+54 : 25ème jour avec les deux oreilles

Cela va faire bientôt un mois que je porte le deuxième implant cochléaire, et les impressions sont globalement positives, dans la lignée de mes attentes. Pêle-mêle, voici les améliorations que j'ai pu avoir par rapport à la mono-implantation :

- La stéréophonie : c'est le constat le plus évident que je fais. Le jour et la nuit. Les sons sont beaucoup plus équilibrés, ils arrivent autant à gauche qu'à droite, et les conséquences sont immédiates : j'arrive mieux à localiser les sons, à les identifier. J'ai la sensation perpétuelle d'avoir un home-cinéma 5.1 dans le crâne, avec des bruitages qui arrivent de tous les côtés. Il m'arrive souvent de pivoter autour d'une source sonore fixe pour apprécier le "transfert" du son de l'oreille gauche à l'oreille droite, et vice-versa. Sur ce point, aucun regret. Être équipé de la spatialisation sonore, c'est juste grisant !

- La fatigue : c'est l'autre constat que je me devais de faire. Conséquence de la stéréophonie, écouter est devenu beaucoup plus fluide, plus reposant, moins contraignant. Le cerveau apprécie à sa juste valeur le renfort de l'oreille gauche, et cela se ressent de plus en plus au fil de mes journées. Quand il s'agit de discuter, et même si je ne comprends pas forcément tout ni mieux (voir le troisième point), le fait de pouvoir entendre des deux côtés repose énormément la tête, et me permet, enfin, de suivre des conversations sur plusieurs heures ou pendant toute une soirée. C'est ce que j'ai effectivement remarqué à mon retour au boulot suite à la convalescence. Il a fallu que j'enchaîne quelques réunions pour rattraper le temps perdu, et, à ma grande surprise, je n'ai eu aucune fatigue ni coup de barre à la fin. Avec une seule oreille, je tenais à peine une demi-heure avant d'avoir les paupières lourdes, c'est dire !

- La compréhension : les améliorations sont très subtiles mais, je pense, réelles. Au lieu de comprendre, par exemple, 90 mots sur 100 auparavant, j'en comprends 95 aujourd'hui. C'est difficile de faire une comparaison avec la mono-implantation, car je comprenais déjà pas mal. Peut-être qu'ici, j'ai une once de déception par rapport à mes attentes, mais j'essaye de relativiser au vu de mes précédents résultats, déjà excellents. En outre, ma deuxième oreille est toute jeune, et il faut que je lui laisse de temps de mûrir au fil des réglages. Je referais un autre point d'ici quelques mois.

- La musique : encore une fois, la stéréophonie change tout, vraiment tout. L'écoute de la musique, c'est une redécouverte permanente et c'est juste extraordinaire ! J'attends désormais avec impatience la fonction sans fil que Cochlear est en train de préparer dans ses labos

- La dernière amélioration, assez inattendue, que j'ai pu constater, c'est au niveau psychologique. Je sens qu'il y a eu comme une sorte de déclic. Le fait de pouvoir entendre en stéréophonie, d'être moins fatigué et de dévorer sans limite tous ces sons, ça vous change une vie. Si bien que cette bi-implantation me fait encore mieux accepter ma surdité. Je fais répéter de plus en plus facilement, je rentre dans les conversations avec plus d'aisance, et j'ai de moins en moins de craintes de dire aux autres que je n'ai pas compris. Pourquoi ? Car je sais que je vais comprendre le mot (ou la phrase) qui a besoin d'être répété. Ça fait toute la différence. Il y a un monde entre éviter de faire répéter au risque de ne pas comprendre à nouveau, et pousser quelqu'un à répéter en étant sûr de comprendre cette répétition. Sur le long terme, je pense que la dimension psychologique de l'apport d'un deuxième implant va prendre tout son sens, et c'est finalement que je demande depuis le début : ne plus pouvoir être enfermé dans le monde du silence, et pouvoir m'exprimer et me libérer sans aucune contrainte.

- En terme d'écoute pure, les petits bruits et gazouillis métalliques ont disparu pour laisser place à un son beaucoup plus naturel et "humain". Je met à jour l'évolution de mon écoute ci-dessous :

Audition normale

Audition à J+0

Audition à J+10

Audition à J+25


Bref, pour résumer ces premières semaines, c'est globalement positif. Je n'ai même pas de regrets d'avoir attendu trois ans pour faire l'autre côté. Je n'étais probablement pas prêt et je n'en voyais pas forcément la nécessité. C'est pourquoi, si l'on envisage la bi-implantation, il faut être prêt dans sa tête pour franchir le cap.

jeudi 19 juin 2014

J+37 : Le premier réglage

Cela va faire une bonne semaine que j'ai reçu mon nouveau joujou. Les premières impressions ? Je sens que la rééducation va aller très vite, encore plus vite que la première fois, qui était déjà pas mal rapide dixit les dires de l’hôpital. Le cerveau a visiblement appris de ses erreurs, il est moins perdu, il arrive mieux à décoder ces informations qui proviennent d'une "source inconnue" (les électrodes, donc).

Concrètement, au bout de 10 jours, j'ai la sensation d'entendre en "noir et blanc" avec une touche d'aigus et de flouté. Ça donne ceci :


Audition normale



Audition à J+10



Le jour de l'activation, le son était criard, métallique et strident, comme un chat qui se serait étranglé. Ça ressemblait plutôt à ça :

Audition à J+0

De jour en jour, le son s'adoucie, se polie, prend des couleurs, gagne en netteté et s'élargie en fréquences. Le but du premier réglage est de repousser les limites basses et hautes de la gamme de fréquences que je perçois, et d'affiner tout ce beau petit monde.

Pour commencer, je repasse l'étape de détection automatique des seuils de chaque électrode. Ce test n'avait pas pu aller jusqu'à son terme lors de l'activation car ça devenait trop fort, à la limite de l'insupportable. Malheureusement, ce fut le même cas ici. Ça vire toujours au "trop fort". Je n'ai pu valider qu'une seule électrode. Mon régleur me dit que ce n'est pas bien grave puisque toutes les électrodes ont été testées au bloc. Endormi, c'est effectivement plus facile à supporter le "trop fort".

Les étapes suivantes consistent, comme ça sera le cas pour les réglages suivants, à déterminer le son le plus faible et le plus fort, à la limite du confortable, pour chaque électrode (22). La concentration et la patience sont de rigueur. Par rapport au premier implant, il n'y a pas de différence notable dans le processus de réglage.

Entre temps, mon régleur m'explique une nouvelle fonctionnalité du dernier processeur de Cochlear, le CP910 : les statistiques. Sur son ordinateur, il est possible d'avoir toutes sortes de stats tel que le temps par jour durant lequel je porte le processeur (15.8h ici), la durée d'utilisation moyenne par jour de chaque programme (20% environnement calme, 10% bruyant, 30% dialogues, etc.). En dehors de l'aspect "j'ai Big Brother dans le crâne", ces statistiques peuvent se révéler très intéressantes sur le long terme. Le régleur sait exactement comment le patient utilise son processeur et ses programmes, et peut alors adapter son réglage en fonction.

Une fois terminé, je constate effectivement, sur le papier, une différence de largeur dans les fréquences entre aujourd'hui et précédemment, toute écrasée. Il ne me reste plus qu'à tester en pratique ce nouvel affinage des sons, en attendant le prochain réglage fixé au 7 juillet.

Je suis ensuite retourné voir le Dr. Aubry pour un simple contrôle de routine de l'oreille / la cicatrice. Je lui fais part de ma petite bosse que j'ai vers la région où se trouve l'aimant. Il s'agit en fait du modèle d'implant utilisé qui, de par sa forme et son épaisseur, donne effectivement un petit rebord sous la peau. Rien d'alarmant donc, mais l'astuce de grand-mère qui consiste à aplatir les bosses avec une pièce de monnaie ne fonctionnera pas ici...

jeudi 12 juin 2014

J+29 : Enfin le deuxième branchement !

Enfin ! Après un bon mois d'attente, le grand jour est arrivé ! Un jour dont je me souviendrai naturellement toute une vie. Je me rends donc au CHU de Limoges l'après-midi, le rendez-vous étant fixé à 15h30. Contrairement à la première fois, où toute une équipe m'attendait, dont une personne de Cochlear Toulouse, ici, juste deux personnes sont présentes :
- l'orthophoniste, qui s'est déjà occupée de ma rééducation pour la première oreille, et qui va donc s'occuper de la deuxième
- et le régleur d'implant.

Quand je pénètre dans cette fameuse salle d'activation, un mélange de nostalgie et d'excitation m'envahit. Je suis très serein, mais je ne réalise pas trop, j'ai l'impression d'avoir affaire à un simple réglage, alors qu'il s'agit tout de même d'une activation. On me montre le processeur d'implant, il s'agit d'un nouveau modèle (le Nucleus 6) très ressemblant à celui que je porte déjà (Nucleus 5). Les différences sont très subtiles mais réelles. L'esthétique ne change pas beaucoup, l'ensemble est plus mat, moins brillant sur le métal utilisé, plus sobre. La taille est quasiment la même, le poids aussi. C'est surtout dans les fonctionnalités qu'il faut chercher les nouveautés. Mais attardons-nous sur l'activation elle-même. Celle-ci se passe en quatre grandes étapes :

- La première étape consiste à déterminer la réponse du nerf pour chacune des électrodes. Pour chaque fréquence, le son monte de plus en plus fort jusqu'à atteindre un certain seuil, avant de redescendre et se stabiliser. Problème, ce seuil est trop fort pour moi, à la limite du supportable, et je suis souvent obligé de signaler au régleur de stopper la fin du test de l'électrode. En tout, 4 ou 5 électrodes ont dû être testées. Le reste des tests a été abandonné, c'est visiblement trop tôt, l'oreille est encore trop sensible aux sons et pas encore habituée. Cette première étape sera ré-exécutée pour le premier réglage.

- La deuxième étape consiste, toujours pour chaque électrode (24 en tout) à déterminer le son le plus faible que je puisse entendre. On doit faire le vide dans sa tête car une grande concentration est nécessaire pour discriminer les sons réellement produits des sons psychologiques. L'étape dure une quinzaine de minute.

- Même topo pour la troisième étape : on doit déterminer le son le plus fort (dans la limite du confortable/supportable) pour chaque électrode. Cela permettra de déterminer les seuils minimums et maximums et de restituer finalement le son.

On arrive enfin à cette dernière étape tant attendue : l'activation du processeur ! Première impression : c'est comme la première fois, j'ai un brouhaha indescriptible de bruits métalliques et de sifflements torturés et malaxés dans tous les sens ! Mes premiers mots ont été : "c'est incroyable ! Une véritable explosion sonore !". C'est cette sensation-là que j'aie lorsque je porte l'implant droit tout seul. Si je l'associe au gauche, tous ces grésillements disparaissent peu ou prou, comme fusionnés, et un équilibre sonore plus que bienvenue apparaît. Pour faire une énième comparaison avec la première fois, il se trouve que j'arrive à distinguer un tout petit mieux les voix du reste. Le test du "oui-non" (quelqu'un doit dire l'un de ces deux mots au hasard) a été concluant car la reconnaissance était immédiate, ce qui n'était pas le cas d'y il a trois ans. Sans doute le cerveau qui s'est habitué entre-temps. Preuve qu'il ne s'est pas reposé sur ses lauriers, le bougre.

Jeu : lequel est l'ancien, lequel est le nouveau ?

Pour finaliser cette activation, j'ai enchaîné sur un examen d'audiogramme réalisé par l'orthophoniste. Je quitte cinq minutes la salle pour me diriger vers une plus petite, insonorisée. Le test consiste à signaler des sons qui sortent d'enceintes externes. Au début, je crois entendre des à-coups, et lève donc le doigt pour confirmer que j'ai bien entendu. Mais ces à-coups devenaient de plus en plus bizarres, et j'aurai juré qu'il s'agissait un mec qui faisait du bricolage avec son marteau dans l'hôpital. Erreur : il s'agissait en fait de la simple pression de touche sur laquelle appuyait l'orthophoniste pour envoyer le son ! Imaginez quelqu'un qui pianote bruyamment son clavier, mais à un niveau sonore encore plus élevé !

De retour dans la salle, on me donne une nouvelle valise Cochlear remplie d'accessoires et de documentations. J'avais cru bien faire en amenant à l’hôpital ma première valise, histoire de ne pas trop doublonner tout ça et éviter à Cochlear de "payer" une autre valise. En réalité, comme j'ai reçu un processeur de dernière génération, la documentation a logiquement évoluée. Le cas des accessoires est similaire : nouveau chargeur de batteries et nouvel assistant sans fil pour pouvoir gérer les fonctionnalités du petit dernier. Je me retrouve donc avec deux valises Cochlear. Pourquoi pas après tout...

Le nouveau chargeur, similaire à l'ancien

L'assistant sans fil s'est quelque peu amélioré et semble doté de plus de fonctionnalités. De couleur noire, il a reçu les mêmes matériaux que le processeur : finition matte et aspect sobre. J'adore. Un programme "Scan" fait son apparition : il permet de choisir automatiquement le meilleur programme (calme, vent, musique...) en scannant l'environnement sonore. Une belle nouveauté que ne pourra pas bénéficier mon autre processeur. La seule solution serait de le remplacer lui-aussi, mais la politique de la sécurité sociale (un changement de processeur tous les 5 ans) ne me permettra d'envisager ce changement que dans 2 ans. La problématique est la même pour la question de la technologie sans-fil (qui sera disponible "prochainement"), promise seulement à la dernière génération d'implants et mettant sur la touche les anciens modèles. A moins que... J'ai bien tenté de poser la question au régleur, mais ce dernier n'avait pas toutes les réponses. Et pour cause : je suis le premier adulte (de l’hôpital) à recevoir ce nouveau modèle !


On peut contrôler les deux oreilles d'un coup.
Ici, le mode Scan de l'oreille droite.

Je rentre donc chez moi avec le sourire aux lèvres et l'envie irrépressible de partager ces nouvelles sensations avec mon entourage. C'est le genre de journée qui, mine de rien, marque les esprits à jamais...

mardi 10 juin 2014

J+28 : Plus que quelques heures à attendre...


Me voilà enfin à l'aube de la deuxième activation, celle qui me permettra de basculer définitivement en stéréo. Cette dernière est prévue demain, le 11 juin, à 15h30. Je me rends compte que 28 jours sont déjà passés, et que, contrairement à la première fois, c'est passé vite, très vite. Cette impression est liée en grande partie par le fait que j'entends déjà à gauche, ce qui n'était pas le cas la première fois. Ça change tout. En fait, être en terrain connu change absolument tout, à ma (grande) surprise. On devrait limite faire d'emblée le deuxième implant pour éviter le calvaire du premier.

Pour résumer ces quatre dernières semaines : pas de douleur particulière, pas d'incommodité quelconque, un goût vite retrouvé mais des insomnies à répétitions. La faute à des acouphènes, certes discrètes, mais suffisantes pour m'empêcher de dormir. Physiquement, et parce que un implant de génération précédente (1-2 mm plus épais) a été utilisé, je sens comme une sorte de bosse au-dessus de l'oreille, comme si je m'étais pris une porte. Mais niveau sensations, c'est complètement imperceptible. Quant à la cicatrice, rien à signaler, elle... cicatrise.

Si je me réfère à la première activation, je m'attends à avoir toute une équipe autour de la table : l'audioprothésiste qui va insuffler la vie à l'implant, l'orthophoniste qui va prendre en charge les différentes rééducations, une personne de Cochléaire Toulouse pour le côté technique et peut-être le chirurgien. C'est sans doute le moment de faire une liste de plus et de moins par rapport à l'utilisation au quotidien du premier implant pendant ces trois dernières années. Une sorte de retour utilisateur qui pourrait, pourquoi pas, parvenir à la maison-mère de Cochlear, en Australie…

Dans les plus : inutile de vous faire un dessin…

Dans les moins :
  • Dès l'allumage du processeur, le son est trop fort et casse souvent les oreilles. Il faut attendre quelques secondes, le temps d'être habitué. Le même problème existe pour la vue : quand vous vous levez le matin, c'est difficile d'ouvrir les yeux parce qu'on n'est pas encore habitué à la lumière du jour. Les oreilles, c'est pareil !
    Solution : il faudrait que le son démarre tout doucement pour augmenter progressivement jusqu'au volume réglé.
  • Avec l'assistant sans fil, il est possible de changer de programme à la volée. Problème : avec l'habitude, la subtilité entre les différents programmes m'échappe parfois, et il se trouve que souvent, je passe des journées entières avec le mauvais programme, ou le moins adapté. Exemple : être tout seul chez soi et avoir le programme focalisé qui permet d'entendre dans le bruit.
    Solution : il faudrait que les programmes s'activent automatiquement en fonction de l'environnement sonore. Problème à priori résolu avec la nouvelle génération de processeurs (le Nucleus 6) que je vais recevoir mercredi.
  • Si on n'a pas l'assistant sans fil sur soi et qu'on veuille changer de programme, on doit le faire manuellement. Si je veux passer du programme 1 au programme 4, je dois passer par les programmes 2 et 3 et attendre les bips de confirmation à chaque fois. Passer du 1 au 4 prendre une quinzaine de secondes, car changer de programme nécessite de presser un bouton du processeur pendant deux secondes. Autre problème : on n'a pas la possibilité de savoir sur quel programme on est, hormis au feeling. Si je veux le savoir, je dois faire un tour complet : 1 > 2 > 3 > 4 > 1
    Solution : peut-être accélérer les changements de programme.

Pendant tout ce laps de temps, j'ai eu le temps de m'auto-former un peu au montage de vidéos. Ma priorité numéro 1, c'est de pouvoir montrer (via une vidéo avec son, donc) comment on entend avec un implant cochléaire à différents intervalles (J+0, soit le jour de l'activation, J+10, J+20…). Je suis donc dans les starting blocks pour demain soir, de retour de l'hôpital. Si Youtube ne fait pas de caprice, j'espère pouvoir publier les premières vidéos au plus tard jeudi. Entre-temps, je pense pouvoir ajouter un billet pour raconter cette journée tant attendue.

lundi 26 mai 2014

J+13 : Une attente bien longue...

Bonjour à tous, cela va faire déjà deux semaines que j'aurai été implanté de la deuxième oreille. Déjà, suis-je en train de me dire... ! Si, au niveau de la convalescence elle-même, cela se passe très vite, au niveau de la date d'activation, cela avance lentement, très lentement...

Entre temps, je suis retourné à l'hôpital 10 jours après (le 23 mai) pour un simple contrôle de routine et retirer les fils. C'est du moins ce que je croyais. Ces derniers sont en effet résorbables, contrairement à la première fois où ils ne l'étaient pas. Il n'y a pas que les implants qui évoluent. Comme j'ai arrêté de porter le bandage, je vais donc devoir m'afficher avec des fils qui pendent, le temps que ceux-ci tombent. C'est pas forcément très esthétique, mais c'est bien le cadet de mes soucis.

La cicatrice en elle-même est très "belle" et propre. Elle a cette fois-ci une forme de "faucille" qui longe simplement l'oreille. Le plus étonnant est que je n'ai quasiment pas eu de grosses douleurs jusqu'à présent, hospitalisation comprise. En terme d'échelle, je n'ai probablement pas dépassé les 3,5 voire 4 sur 10. Un monde comparé à l'époque, où la première semaine avait été assez cauchemardesque (toutes proportions gardées). Est-ce l'expérience qui me permet d’appréhender tout ça ? Aucun doute possible, oui. Même en terme d’acouphènes, je suis en dessous de mes standards de post-hospitalisation. Comme attendu, ça bourdonne un peu du côté implanté (et même de l'autre côté parfois), mais ça reste largement supportable. C'est finalement la nuit que l'oreille fait son petit caca nerveux, avec non pas des douleurs, mais des acouphènes certes acceptables mais suffisamment élevées pour qu'elles m'empêchent de dormir. Je suis donc obligé de prendre un calmant (prescris par le docteur) pour passer une nuit tranquille, faute de quoi je suis insomniaque et logiquement fatigué le lendemain matin.

Au niveau de l'attente elle-même, c'est là-encore moins difficile que je ne le pensais, ne serait-ce que cette fois-ci, j'ai une oreille gauche parfaitement fonctionnelle qui me permet d'échapper au silence. La première fois, j'avais passé un long mois dans un silence de cathédrale. Psychologiquement et moralement, ce fut difficile, et la langue des signes m'avait permis de rester à flot en attendant la délivrance.

Voilà donc pour les dernières nouvelles. Je vous donne rendez-vous pour ce fameux 11 juin, dans 16 jours.