Cela faisait un petit moment que je n'étais pas venu sur ce blog. Ça devient effectivement de plus en plus compliqué de vous raconter des choses nouvelles sans avoir à me répéter ou à reprendre des thèmes déjà abordés sur ce blog.
Néanmoins, à l'occasion du 10ème mois de ma deuxième implantation, j'ai l'occasion ici de faire un gros bilan global.
Ce 13 Mai 2014, on m'a donc posé le deuxième implant. Il faut dire que j'étais au bord de l'épuisement mental. L'autre oreille me permettait de faire beaucoup de choses, c'était bien mais fatiguant à souhait.
Pour la deuxième opération, la convalescence s'était très bien passée (aucune douleur, ni vertige ni acouphènes), tandis que la rééducation était à l'image de la première trois ans auparavant, c'est-à-dire très rapide. J'ai été branché le 11 Juin 2014. En Juillet je pouvais déjà donner mes premiers coups de téléphone. J'étais donc bien parti pour vivre pleinement avec deux oreilles. Fin août, il a néanmoins fallu que je déménage en Guyane pour plusieurs mois.
Nouveau continent, nouvelle culture, mais surtout nouveau climat : un climat très chaud, très humide et très pluvieux par moments. Je suis rentré en France en Janvier 2015, et je peux affirmer, avec le recul, que l'humidité permanente qui règne dans le coin (90 à 100% quotidiennement), est malheureusement très gênante pour les processeurs d'implant.
Plusieurs raisons à cela :
- la sueur coule à flot, et son infiltration dans les micros est inévitable. J'ai eu beau mettre les processeurs dans la boîte de séchage chaque nuit, ce qui devait arriver arriva : le grésillement tant redouté. C'est survenu deux mois après mon arrivée sur le sol guyanais, ce qui m'a obligé à procéder à un échange avec le SAV du fabricant avec envoi par avion.
- l'air est gorgé d'eau, le son a à priori plus de mal à "se frayer un chemin" de la source vers le micro du processeur. Résultat : j'ai eu beaucoup de mal à comprendre, alors que j'avais pourtant deux implants ! Impossible de comprendre les films américains et leur doublage VF ou de discuter simplement avec un groupe de 4-5 personnes. Devant tant d'impuissance et de frustration, je me voyais refaire un bond de trois ans en arrière et perdre tout ce que j'avais accumulé et construit au fil du temps : l'acceptation de la surdité, l'acceptation de mal comprendre, la facilité de faire répéter, toute cette confiance accumulée. J'ai vraiment cru perdre tous ces acquis et qu'il faille tout recommencer.
Pour résumer, en Janvier 2015, j'ai porté le deuxième implant trois mois en France et trois mois en Guyane. Le résultat était mi-figue mi-raisin. L'équilibre sonore était bien présent (et avec soulagement), mais la compréhension stagnait méchamment.
Alors, vers une déception de la bi-implantation ?
C'est du moins le ressenti que j'ai failli avoir. De retour en métropôle, tout est "magiquement" rentré dans l'ordre. Si bien qu'aujourd'hui, en Avril 2015, j'ai l'impression que mes deux implants sont en train de prendre leur envol. C'est comme posséder un interrupteur "sourd / entendant" au beau milieu du front. Avec ma maîtrise de la Langue des Signes, je peux passer de "l'état sourd" à "l'état entendant" et vice-versa sans problème. J'ai l'impression de ne plus avoir de limite sur tous les plans : communicatif, compréhensif et psychologique :
- Plan communicatif : je suis enfin devenu quelqu'un qui n'a plus peur d'aborder les gens, qui n'a plus d’appréhension pour faire répéter trois fois la même chose, qui n'a plus de crainte de dire aux personnes se tenant en face de moi que malgré tous les efforts, je puisse ne comprendre rien de rien (à cause du bruit, de la fatigue, etc.)
- Plan compréhensif : je peux pratiquement tout comprendre : télévision, cinéma, discussion dans les bars, conversation avec 3-4 personnes. Un exemple est ma semaine de bénévolat aux championnats de France de natation à Limoges fin mars. Un événement idéal pour tester mes capacités bioniques. J'en ressors avec beaucoup de satisfaction et de confiance : le brouhaha et la foule permanente ne m'ont pas empêché de discuter avec les autres bénévoles ou d'aider les gens à trouver un siège.
- Plan psychologique : la surdité vue comme un handicap, c'est globalement du passé pour moi. Plutôt que d'y voir une contrainte de tous les jours, j'ai enfin fini par l'accepter. Ce fameux interrupteur "sourd / entendant" dont je vous ai parlé ci-dessus me permet de basculer d'un "état" à l'autre et c'est finalement le meilleur compromis que je puisse avoir. Car oui, j'ai envie de rester sourd la nuit quand des fêtards ivres rentrent chez eux en faisant bien clinquer les clés et la poignée, ou au petit matin quand le voisin du dessus pisse bruyamment (cas vécu ;)) !
Par rapport à la mono-implantation il y a bien sûr la fatigue auditive qui a complètement disparue, l'équilibre sonore, plus conséquente, et la localisation spatiale, plus grisante. Pour la compréhension verbale, l'évolution est subtile mais réelle. Ne vous attendez pas à un bond identique au passage d'un appareil auditif à un implant cochléaire seul. Les résultats sont, à mon sens, visibles au bout de plusieurs mois (8 pour moi) pour peu qu'on y mette du sien et qu'on soit motivé(e). Le principal objectif de la bi-implantation doit, pour moi, permettre l'acceptation de la surdité. Une fois le cap franchi, que vous entendiez bien ou mal, ça n'a plus trop d'importance. J'exagère un peu, mais c'est globalement la philosophie que j'ai aujourd'hui. Si demain, j'ai une panne d'implant qui nécessitera un mois de convalescence avec une seule oreille, je serais certes dépité mais cela ne va pas changer ma nouvelle façon de vivre : faire répéter les gens, leur dire simplement que je suis un peu dur d'oreille, user d'un peu de langue des signes et de mimes, et roulez jeunesse.